L'action en dissolution judiciaire dans le cadre d'un conflit d'associés est une mesure juridique permettant de demander la dissolution d'une société lorsque les désaccords entre associés rendent impossible son fonctionnement et la réalisation de son objet social. Cette action est souvent envisagée en dernier recours, car elle implique la cessation définitive de l’activité de la société et la liquidation de son patrimoine. En France, cette action est fondée sur les dispositions de l'article 1844-7, 5° du Code civil pour les sociétés civiles et commerciales, y compris les SARL et les sociétés anonymes.
Conditions de l'action en dissolution judiciaire
La jurisprudence impose des conditions strictes pour que cette action soit recevable et justifiée. Les principales conditions sont les suivantes :
- Un blocage durable du fonctionnement de la société : Le conflit entre associés doit être suffisamment grave pour empêcher la prise de décisions importantes pour la gestion de la société. Cela se manifeste par un blocage dans les assemblées générales, une incapacité à nommer des dirigeants ou une paralysie des organes sociaux.
- L'impossibilité de poursuivre l’objet social : La société ne peut plus réaliser les objectifs fixés dans ses statuts en raison du conflit entre les associés. Cette impossibilité de poursuivre l'objet social peut résulter d'un désaccord irréconciliable sur les orientations stratégiques ou de la perte de confiance entre les associés, rendant impossible toute collaboration.
- L'absence d’autres solutions : Le demandeur doit prouver que toutes les solutions amiables ou internes (comme la médiation, la cession de parts sociales, ou la nomination d’un administrateur provisoire) ont échoué ou sont impossibles, rendant la dissolution judiciaire la seule option viable pour mettre fin à la paralysie.
Procédure de l’action en dissolution judiciaire
L'action en dissolution judiciaire suit une procédure qui varie selon la forme de la société :
- Saisine du tribunal compétent : Le demandeur doit saisir le tribunal de commerce (pour les sociétés commerciales) ou le tribunal judiciaire (pour les sociétés civiles). La requête doit démontrer les éléments constitutifs du blocage et l’impossibilité de poursuivre l’objet social.
- Instruction de l’affaire : Le tribunal examine la gravité du conflit, son impact sur le fonctionnement de la société, et les éventuelles alternatives à la dissolution. Les juges prennent en compte l’intérêt de tous les associés, ainsi que celui des créanciers et des salariés, si la société emploie du personnel.
- Décision de dissolution : Si les conditions sont réunies, le tribunal prononce la dissolution de la société. Une fois la décision rendue, celle-ci est publiée dans un journal d’annonces légales, et la société entre en liquidation.
Conséquences de la dissolution judiciaire
Lorsque la dissolution est prononcée, la société cesse son activité et entre en phase de liquidation. Les principales étapes et conséquences sont les suivantes :
- Nomination d'un liquidateur : Le tribunal désigne un liquidateur, chargé de vendre les actifs de la société, de régler les dettes, et de répartir le solde éventuel entre les associés selon leurs droits.
- Cessation d'activité : La société doit cesser immédiatement son activité commerciale, sauf autorisation exceptionnelle du liquidateur pour les besoins de la liquidation.
- Perte des droits sociaux des associés : Les droits des associés sur les bénéfices et les votes en assemblée cessent d'exister une fois la dissolution prononcée, sauf pour les droits liés à la liquidation.
Jurisprudence
La Cour de cassation a précisé les contours de l’action en dissolution judiciaire dans plusieurs arrêts, en insistant sur son caractère exceptionnel. Par exemple, dans un arrêt de la chambre commerciale du 5 février 2013, la Cour a jugé qu’un simple désaccord entre associés ne justifie pas automatiquement une dissolution judiciaire. Elle rappelle que le conflit doit être tel qu’il paralyse la société et empêche l’accomplissement de son objet social (Cass. com., 5 février 2013, n° 11-23.480).
Alternative à la dissolution judiciaire
La dissolution judiciaire étant une mesure radicale, la jurisprudence privilégie souvent les solutions amiables ou internes, comme la vente des parts de l'associé en désaccord ou la nomination d'un administrateur provisoire.
Ainsi, l'action en dissolution judiciaire est un recours ultime pour mettre fin à un conflit d'associés paralysant, permettant de préserver les intérêts de toutes les parties impliquées, y compris les créanciers et les tiers ayant un intérêt dans la société.